Implications et engagements globalisés

16 – 18 rue Suger
Paris 6° (RER Saint-Michel)
En partenariat avec le CRPMS
Mardi 12 mai 2020 de 11h à 13h

Épistémologie historique de la clinique et des technologies médicales

Mathieu Corteel

Depuis l’émergence des mathématiques médicales, on s’interroge sur l’obsolescence potentielle du médecin dans la prise de décision clinique. Quant au patient, on prétend parvenir à circonscrire son individualité à partir de la mise en corrélation de données massives. Ces éléments manifestent-ils la fin de la relation médecin/patient ? Les intelligences artificielles peuvent-elles se substituer au médecin dans la formulation diagnostique et pronostique ? La totalité individuelle du patient est-elle réductible à la somme de ses parties moléculaires ? Afin de saisir l’émergence du problème philosophique de la numérisation de la pratique médicale, il faut oser analyser les détours, les dérives, les retards et les obstacles épistémologiques qui s’inscrivent dans l’histoire longue de la médecine. Si l’histoire est épistémologique, elle est expérimentale, et donc toujours à refaire.

Mathieu Corteel est ATER à la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg, docteur en philosophie de l’Université Paris-Sorbonne (Paris 4), ainsi que membre du comité de rédaction de la revue Multitudes. Ses recherches portent principalement sur l’histoire épistémologique des mathématiques appliquées à la médecine ainsi que sur les développements des big data et de l’IA dans le secteur de la santé. Il a récemment coordonné la majeure « Renaissance de la clinique » du n°75 de la revue Multitudes. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Le hasard et le pathologique » à paraître prochainement aux Presses de SciencesPo.

Argumentaire du séminaire

Ce séminaire propose de repenser les dialogues et les mises à l’épreuve réciproques entre anthropologie et psychanalyse. Il s’efforce d’articuler trois lignes de questionnement :

• Clinique du terrain et terrains cliniques : des anthropologues s’interrogent sur la nature des relations interpersonnelles développées durant leurs enquêtes, le sens et les modalités de leur écoute, et, corollairement, les mobiles intimes de la parole des acteurs. Les crises économiques et politiques qui bouleversent de nombreuses sociétés s’impriment, en effet, dans la situation ethnologique. De surcroît, l’ethnologue se trouve de plus en plus fréquemment en contact avec des populations en fragilisation croissante, en état de non inscription, et même d’errance.

• Folie et État : on développera une réflexion croisée, d’un côté sur les effets sur les élaborations identitaires des nouvelles représentations du bien-être psychique, de l’autre, sur les instances de légitimation sur ce que serait une bonne santé psychique en termes de prévention, de diagnostic, de traitement et de leur évaluation. Enfin, le lien doit être souligné entre les terreurs issues de la violence de l’État et les confusions des registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique, qui font tenir l’existence singulière et les échanges sociaux. D’une certaine manière, la folie a disparu au profit de l’exclusion et de la stigmatisation des perdants. Dans les pays lointains qui ne rentrent pas dans cette industrialisation du soin, l’OMS., au contraire, préconise un retour aux dispositifs dits « traditionnels », légitimant médiums, devins et autres guérisseurs. Dans ces deux configurations du monde globalisé, les États jouent un rôle majeur, idéologique, symbolique, mais aussi institutionnalisant les corps des professionnels du soin psychique. La psychanalyse fait actuellement l’objet d’un débat social, d’autant plus aigu que c’est la singularité du sujet individuel qui est en jeu. La présence de la psychanalyse dans les institutions de soin et d’enseignement redevient l’enjeu d’une lutte, alors que la psychiatrie et la psychopathologie sont de plus en plus biologiques.

• Un dernier volet : rouvrir le débat entre anthropologie et psychanalyse de l’ordre épistémique et épistémologique, à l’heure où le cognitivisme est, pour un nombre croissant d’anthropologues, un outil de validation de leurs recherches et de leurs résultats. La généralisation de l’économie de marché a eu des effets de plus en plus prononcés sur les définitions de la souffrance psychique, des troubles mentaux, leurs modes de diagnostic et leur traitement. Dans les démocraties industrielles, on constate la dominance des modélisations biologiques et neurologiques, le retour à un primat héréditaire et la mise en avant de polices de rééducation comportementaliste.

Séminaire mensuel organisé par :
Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, douvilleolivier@noos.fr
Nicole Khouri , sociologue, IMAF khouri.n@wanadoo.fr
Julie Peghini, anthropoloque, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8, Laboratoire CEMTI, julie.peghini@univ-paris8.fr
Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche émérite à l’IRD CESSMA monique.selim@ird.fr

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