FRONTIÈRES NATURELLES, FRONTIÈRES NATURALISÉES – RETOURS DE TERRAIN. 15 MAI 2024, 17-20H, INALCO

Avec :

Marie-Caroline SAGLIO-YATZIMIRSKY (anthropologue, Inalco, Cessma, ICM) – Militarisation, trafics et enjeux humanitaires des migrations vénézueliennes au Brésil
Marilou SARRUT (Doctorante en anthropologie, (UPC/CESSMA/ICM) – Briser le mythe de la “jungle qui tue” : instrumentalisation de la nature et déresponsabilisation politique dans la traversée migratoire du Darién (frontière Vénézuela – Panama)
Izabela WAGNER (Sociologue, U. De Paris-Cité, Urmis, ICM)- A la recherche de “Xenia” – retours de terrain sur la terre en guerre.
Coordination : Alexandra Galitzine Loumpet (CESSMA, Co-front ICM) et Izabela Wagner (Urmis, U. de Paris-Cité, ICM)

Image du bandeau : Bajo-Chiquito, Darién @ M. Sarrut 2023

Argumentaire
Ce que pourrait avoir d’abord en commun des frontières aussi éloignées que le couloir du Darièn entre la Colombie et le Vénézuela, celle entre Vénézuela et le Brésil en Amazonie ou encore la forêt entre Pologne et Bélarus c’est précisément d’être des frontières épaisses, avec leur cohorte associée : économies paralègales du passage, gouvernementalité du contrôle migratoire, militarisation, puissance des désirs d’émancipation de celles et ceux qui tentent la traversée et effets d’extrêmes violences sur leurs corps et le psychisme, criminalisation et l’épuisement des soutiens, délations. En second lieu, ces frontières sont également définies par l’existence d’obstacles naturels plus ou moins importants, ou, au contraire, naturalisés : fleuves, forêts, îlots , “jungles”. Cette nature est singularisée par sa topographie que comme par ses zones de mises à l’écart, sinon de non droit, densément ou peu peuplées, et est ainsi resignifiée par différents imaginaires connotés. L’instrumentalisation du relief des frontières impacte par rebond la qualification de l’espace, les représentations du milieu écologique, des confins de l’État-nation, des parcours migratoires.

Au-delà de ces processus de frontiérisation partagés, chacun de ses emplacements est marqué par la spécificité des contextes politiques, par des empreintes du passé, des politiques migratoires, des treillis des relations entre acteurs, face aux communautés locales, aux États, aux organismes supra-nationaux (intergouvernementaux, humanitaires, Frontex) ou informels (cartels, rackets, réseaux). Comment faire terrain en ces lieux – c’est-à-dire avec quelles entrées, tensions, tactiques, impossibilités ? Comment faire retour de ces violences extrêmes ? Comment en saisir la pleine singularité et éventuellement, si cela s’avère possible, justifier de comparaisons ? C’est à ces questions que vont répondre les intervenantes, de retour de terrains courts ou réguliers, en prenant appui sur un événement précis – dépliant ainsi de façon réflexive le positionnement de la recherche, les alliances avec d’autres acteurs, les stratégies de présence.

Intervenantes

Alexandra GALITZINE-LOUMPET est anthropologue HDR, chercheure au CESSMA (UMR 245) et au Sophiapol (Université de Nanterre). Elle a créé le Programme Non-lieux de l’exil en 2011 et le coordonne depuis janvier 2016 de même que le projet Displaced Objects. Elle coordonne également le programme Co-front (Co-constructions des savoirs aux frontières, ICM – 2022-2025) et prend part à la coordination pédagogique du DU pro Hospitalité, médiations, migrations (Inalco) depuis 2019. Parmi ses publications sur l’exil « Subjectivités face à l’exil » Journal des Anthropologues, déc. 2018, 350 p., Traduire l’exil, Plein droit mars 2020 (éditrice scientifique avec M.C. Saglio Yatzimirsky), les ouvrages L‘objet de la migration, le sujet en exil (ed- avec C. Alexandre-Garner), Presses Universitaires de Paris-Nanterre, déc. 2020 et Lingua (non) grata. Langues, violences et résistances dans les espaces de la migration (Presses de l’Inalco, 2022, avec M.C. Saglio Yatzimirsky).

Marilou SARRUT est doctorante en géographie et en anthropologie (UPC/CESSMA/ICM), spécialiste de la question de la migration dans la traversée migratoire de la jungle de Darién, frontière entre la Colombie et le Panama. Elle a mené 8 mois de terrains ethnographiques à l’entrée et à la sortie de la jungle en 2022 et en 2023, en travaillant notamment comme traductrice tri-langue ( anglais, français, espagnol) pour les migrant·es nommé·es “extra-continentaux”, venant d’Afrique et d’Asie et souhaitant traverser pour rejoindre les Etats-Unis, faute d’obtention de visa en Amérique du Nord et centrale. Parmi ses publications : (avec Jonathan Echeverri Zuluaga et Santiago Valenzuela Amaya,) « Briser le mythe de la « jungle qui tue » : analyse du rôle des intermédiaires dans la traversée du Darién (frontière Colombie-Panama) », Revue européenne des migrations internationales, vol. 39 – n°4 | 2023, 15-42. et (avec M.C. Saglio-Yatzimirsky,) “Laisser traces en transit : expériences et langues en itinérance ?”, Polygraphe, 2023

Marie-Caroline SAGLIO-YATZIMIRSKY est Professeur des Universités en anthropologie sociale à L’INALCO, Département Asie du Sud, chercheur statutaire au Centre d’Etudes en Sciences Sociales sur les Mondes Africains, Américains et Asiatiques (CESSMA, UMR 245, IRD-Paris Diderot-INALCO) et lauréate IUF senior. Elle est directrice de l’Institut Convergences Migrations (ICM-CNRS) et du Diplôme universitaire professionnel Hospitalité, Médiations, Migrations (DU H2M, Inalco). Elle a coordonné entre 2017 et 2021 le programme ANR LIMINAL sur les interactions et médiations langagières et culturelles en situation de crise migratoire et entre 2021 et 2023 le programme Morts covid en migrations (ICM-CNRS). Dans ses récentes publications, par exemple Lingua (non) grata, Langues, Violences et résistances dans les espaces de la migration (dir. avec A. Galitzine-Loumpet, Presses de l’Inalco, 2022), Violence et récit. Dire, traduire transmettre le génocide et l’exil (dir., éditions Hermann, 2020) ou La voix de ceux qui crient, rencontre avec des demandeurs d’asile (Albin Michel, 2018), elle interroge dans une perspective à la fois anthropologique et psychologique le lien entre migration, culture et trauma.

Izabela WAGNER est professeure d’Anthropologie et de Sociologie des Migrations à l’Université Paris-Cité, chercheure à l’URMIS – Unité de recherche “Migrations et société”, et fellow à l’Institut Convergence Migration. Membre de groupe de recherche Non-Lieux de l’exil. Elle l’auteure de “Bauman. A Biography” (Polity, 2020), “Producing Excellence. Making of a Virtuoso” (Rutgers UP, 2015) et “Becoming Transnational Professional Careers of Polish Scholarly Elites” (Scholar, 2011) et éditrice de “Ma vie en fragments” (2024 chez Parallèles) – un livre composé à partir de récits à caractère autobiographiques de Zygmunt Bauman. Elle a publié de nombreux articles sur les carrières académiques et intellectuelles, mobilité et migrations des artistes et des intellectuels, les discriminations ethniques et antisémites et les conditions de vie et les parcours des exilés. Ethnographe, elle a étudié le monde social des virtuoses dans la musique classique, puis le monde social de chercheurs. Depuis 2017 elle a entamé en parallèle un nouveau terrain dans le champ de la migration forcée en Europe. Ses travaux, basés sur un travail de terrain, sont à l’intersection de la sociologie, de l’anthropologie et de l’histoire.