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Sujet de Thèse

Militarisation et colonialisme de peuplement en territoire O’odham : enjeux des solidarités frontalières

Directeur de thèse :

Laurent Faret

Axes :

Axe thématique 1 : S’approprier, contester, lutter : spatialité, domination, violence
Axe thématique 4 : Savoirs : acteurs, pouvoirs, territoires

Résumé de thèse

La frontière Mexique/Etats-Unis coupe à travers un vaste écosystème désertique communément appelé le désert du Sonora, qui est aussi le territoire ancestral de la nation Tohono O’odham. Depuis le début des années 1990, le désert du côté étasunien est le lieu le plus mortel pour les personnes tentant une traversée illégalisée de la frontière. En particulier, la réserve Tohono O’odham, deuxième plus grande réserve Autochtone des Etats-Unis avec ses 11 500 km², enregistrerait un des taux de décès les plus élevés de la frontière. Elle est par ailleurs l’un des espaces les plus directement et intensément affectés par la militarisation frontalière, ce qui génère une série d’impacts spécifiques pour ses habitant·es : restriction de la mobilité quotidienne et transfrontalière au sein du territoire ancestral, surveillance accrue, insécurité, destruction de sites culturels et spirituels, déstabilisation de l’écosystème, divisions politiques… Pourtant, la spécificité politique, historique et juridique de cette réserve reste généralement ignorée dans les récits médiatiques et les analyses scientifiques portant sur les politiques migratoires et la violence frontalière. Ma recherche part du constat que la souveraineté et la territorialité Autochtones sont largement absentes des imaginaires sur la frontière Mexique/États-Unis, mais également des recherches critiques sur les migrations. Pourtant, le désert du Sonora constitue un espace paradigmatique où gouvernance migratoire et colonialité s’enchevêtrent. Si la militarisation frontalière y provoque des violences humaines de grande ampleur, celles-ci ne peuvent être comprises sans analyser leur ancrage historique dans la dépossession coloniale.
Cependant, étudier la frontière à l’aune d’expériences et de perspectives Tohono O’odham soulève des problématiques pratiques, éthiques et épistémologiques au regard de ma position extérieure (non-Autochtone, étrangère et chercheuse). Quand bien même l’intention peut être de s’inscrire dans une démarche critique et solidaire, la réalité complexe des rapports sociaux rappelle souvent l’écart entre nos cadres analytiques et les priorités vécues localement. Ne pas renforcer certains cadres ou catégories d’analyse que l’on cherche justement à questionner peut nécessiter de concevoir différemment nos relations de recherche. Or, la question de la solidarité traverse à la fois mon parcours de chercheuse, confrontée aux limites de mes propres intentions critiques, et l’expérience des acteur·ices humanitaires dans le désert, confronté·es à des tensions opposant, à première vue, migrant·es et souveraineté tribale. A partir d’une participation à leurs activités et d’espaces de co-réflexion avec des acteur·ices constituant le réseau de solidarité frontalier à Tucson (Arizona) et partageant avec moi des questionnements similaires, ma thèse cherche à apporter une réponse sensible, située et attentive à la matérialité et à la relationnalité du lieu qu’est le désert du Sonora à la question de ce que peut constituer une solidarité anticoloniale contre les violences de la frontière Mexique/Etats-Unis.